Les leçons de vie de Forrest Gump

Les leçons de vie de Forrest Gump

C’est l’histoire d’un garçon pas tout à fait comme les autres qui vit des aventures extraordinaires. Des terrains de football de l’Alabama aux champs de bataille vietnamiens, de la Maison-Blanche à la République populaire de Chine, l’incroyable épopée de ce héros malgré lui nous offre de merveilleuses leçons de bonheur et de sagesse.

Une plume vole. Poussée par le vent, elle virevolte, tourbillonne, se laisse doucement porter par la brise avant qu’une rafale ne la ramène en arrière. Ballottée, elle lutte et se débat. Soudain elle bondit, propulsée dans les airs par une force invisible, avant de venir doucement se poser au pied d’une paire de baskets maculées de boue. Cette plume, c’est un peu une métaphore de la vie. Des hauts, des bas, des imprévus, des rencontres qui vous élèvent, des obstacles qui vous freinent, et au final, une existence qui n’était écrite dans aucun livre.

Et quelle existence que celle de Forrest Gump, qui se baisse pour saisir cette plume de rien du tout que plus d’un aurait balayé d’un revers de la main. Forrest, qui sait voir la beauté dans toutes les petites choses de la vie et qui, mieux que quiconque, en comprend la fragilité.

Forrest, c’est « l’idiot du village », ce gamin aux grandes jambes et au dos « tordu comme un point d’interrogation » qu’on aime moquer et qui, au gré des hasards de la vie, voyagera aux quatre coins du globe, connaîtra l’amour, l’amitié, le succès et la célébrité tout en cultivant un bonheur simple dont on aimerait connaître la recette. Laquelle des petites brutes qui s’acharnent sur lui peut en dire autant ?

The power of love

L’amour, justement. Porté par l’amour d’une mère, Forrest gravira des montagnes. La mère de Forrest, c’est celle qu’on rêve tous d’avoir, et qu’on aspire toutes à être. Une mère qui lui répète non pas qu’il est le plus beau ou le plus intelligent, mais qu’il n’est pas différent des autres, et surtout, qu’il ne doit laisser personne lui dire qu’il est différent. Une mère qui le soutient, au sens propre comme au figuré, et qui dira sur son lit de mort « Je ne le savais pas, mais mon destin c’était d’être ta maman ». La voix de la sagesse se tait, et l’on se dit alors qu’une vie n’a pas forcément besoin d’être extraordinaire pour être réussie.

L’amour de Jenny, ensuite. Cette petite fille au visage d’ange, dont on accueille la voix avec soulagement lorsqu’elle lui propose de s’asseoir à côté de lui dans le bus le jour de la rentrée, nous qui imaginions déjà les années de brimades et de solitude du jeune écolier. Ensemble, Jenny et Forrest feront front face à l’adversité. Il sera son refuge face à un père violent, son phare dans la tempête, le port d’attache vers lequel elle reviendra, de manière immuable, avant de reprendre le large, chahutée par des courants contraires. Elle sera son amie, sa confidente, son grand Amour. Et lorsqu’il s’agira pour Forrest de choisir un nom pour son bateau, il n’y en a qu’un qui lui viendra en tête.

Forrest ou le triomphe de la sérendipité

C’est grâce à Jenny que Forrest fera sa première rencontre avec son destin. Tyrannisé une fois de plus par les petits caïds du quartier, encouragé par cette dernière qui lui lance le désormais culte « Cours Forrest, cours ! », il prend son envol, brise ses chaînes en se libérant des armatures qui entravent ses jambes pour quelques foulées salvatrices qui le mèneront tout droit à l’université.

La vie de ce personnage attachant ne sera qu’une suite de hasards, de rencontres fortuites qui le conduiront au Vietnam ou en Chine et lui ouvriront à plusieurs reprises les portes de la Maison-Blanche. Tour à tour footballeur, héros de guerre, champion de ping-pong, capitaine de crevettier, marathonien, il finira par tondre la pelouse dans sa ville natale. Gratuitement. Parce que les millions s’accumulent sur son compte en banque depuis qu’une tempête miraculeuse a fait pleuvoir les crevettes, et que son premier matelot a judicieusement investi dans une « coopérative agricole » dont on devine, hilares, qu’il s’agit en réalité de la marque à la pomme. Et puis surtout – surtout – parce que ça le rend heureux de tondre la pelouse. Il est comme ça, Forrest.

Et l’on repense à cette petite plume qui se laisse porter par le vent. Car Forrest, c’est le triomphe de la sérendipité. Ce merveilleux destin que personne n’aurait pu prédire, il le doit à son indéfectible optimisme, son ouverture d’esprit, son incroyable capacité à saisir les opportunités comme elles se présentent, sans a priori, sans plan de vol. Forrest vogue au gré des courants, allant même jusqu’à contrarier le destin auquel certains membres de son entourage croient dur comme fer, comme lorsqu’il sauve le lieutenant Dan, descendant d’une longue lignée de soldats morts au combat. Ce n’est que bien des années plus tard, ayant retrouvé goût à la vie et fait la paix avec Dieu en chemin, que ce dernier le remerciera de lui avoir permis d’écrire sa propre histoire.

Laisser le passé derrière soi

On pourrait croire que les éléments extérieurs n’affectent par notre héros. Il n’en est rien. Parfois, la boussole vacille. Quand au décès de sa mère s’ajoute le départ de Jenny qui a, une fois de plus, pris la tangente alors que le bonheur semblait enfin à portée de main, c’est tout le monde de Forrest qui s’écroule. Pas d’alcool pour noyer sa peine, non, sa thérapie à lui, ce sera la course. Une course de 3 ans, 2 mois, 14 jours et 16 heures très exactement qui le verra traverser les Etats-Unis d’est en ouest puis d’ouest en est, jusqu’à ce qu’un beau jour, il s’interrompe. 3 ans, 2 mois, 14 jours et 16 heures, le temps de la guérison. Et Forrest de conclure par une des phrases dont sa maman avait le secret « Dans la vie, il faut savoir laisser le passé derrière soi pour avancer ».

Le bonheur, enfin

La célébrité a du bon. Jenny, qui a vu Forrest courir à la télévision, lui écrit pour lui proposer de venir à Savannah, où elle semble enfin avoir posé ses valises. Et la boucle de se boucler. Le flash-back s’interrompt, retour au présent. De son propre aveu « longtemps perdue », Jenny a trouvé son équilibre. La maternité l’ancre au sol et donne un sens à sa vie. Après avoir essuyé de nombreuses tempêtes, elle rentre au port pour de bon et accepte enfin de se laisser aimer.

Le bonheur à trois sera de courte durée, mais l’on devine que c’est l’un de ces bonheurs si simples et pourtant si intenses qu’il procure plus d’ivresse que toutes les drogues dans lesquelles Jenny s’est réfugiée pendant de longues années. Désormais veuf, Forrest garde le cap et veille avec soin sur son petit garçon espiègle. De tous les cadeaux de la vie, celui-ci est sans conteste le plus beau.

Alors que père et fils attendent le bus de l’école, la petite plume soigneusement rangée dans un livre reprend son envol, nous laissant imaginer ce nouveau destin qui reste à écrire.

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