Poulehouse, la start-up des œufs éthiques

Poulehouse, la start-up des œufs éthiques

Créée en 2017, Poulehouse place le bien-être animal au cœur de son projet avec une idée simple : produire des œufs sans envoyer les poules à l’abattoir. La start-up va désormais plus loin en s’attaquant à la traçabilité des produits transformés et en s’engageant contre le broyage des poussins mâles.

Saviez-vous que les œufs que vous mangez sont issus de poules qui n’ont pas plus de 18 mois ? Passé cet âge, leur productivité décroît et elles ne pondent plus que tous les deux à trois jours. La plupart d’entre nous l’ignorent, mais les poules pondeuses, qu’elles soient issues d’élevages bio, en plein air ou en batterie, sont systématiquement “réformées” – un joli mot pour dire envoyées à l’abattoir – avant leur deuxième anniversaire, alors qu’elles pourraient vivre jusqu’à 6 voire même 10 ans. Eh oui, pour manger une omelette, il faut tuer des poules (et des poussins mâles, mais j’y reviendrai). C’est pour mettre fin à cette absurdité que deux associés, Fabien Sauleman et Sébastien Neusch, rejoints par une ingénieure agronome, Elodie Pellegrain, ont décidé de créer Poulehouse.

Poulehouse, l’œuf qui ne tue pas la poule

Poulehouse, c’est “l’œuf qui ne tue pas la poule” grâce à un mode d’élevage respectueux du bien-être animal consistant à produire des œufs éthiques à la traçabilité complète tout en rémunérant mieux les éleveurs. Les trois associés ont noué des partenariats avec des producteurs qui s’engagent à ne pas réformer leurs poules. Dès que leur ponte s’espace, celles-ci sont envoyées à Coussac-Bonneval, dans le Limousin, où Poulehouse a acquis une ferme de 16 hectares, sorte de “maison de retraite” où les gallinacés peuvent continuer à pondre à leur rythme jusqu’à leur mort naturelle. Le lieu ne pouvant accueillir que 18 000 poules, l’objectif est désormais d’encourager les producteurs partenaires à garder les poules âgées chez eux en échange d’une rémunération plus élevée. Alors que le débat sur les retraites bat son plein, Fabien Sauleman explique avec humour avoir mis en place une sorte de système par capitalisation pour les poules, les bénéfices de la vente des œufs servant à financer l’accueil et l’alimentation des plus âgées, devenues moins productives. Poulehouse vient de conclure un accord avec le groupe One-cocorette, pionnier du mode de production en plein air, pour recruter de nouveaux éleveurs. Ce seront bientôt 100 000 poules qui seront logées à vie.

Initialement commercialisés en circuits courts et dans les enseignes spécialisées comme Biocoop et Naturalia, les œufs Poulehouse sont aujourd’hui disponibles chez Carrefour, Franprix, Super U, Auchan ou Monoprix. Une carte interactive permet de repérer les enseignes à proximité de chez vous. Il y a quelques mois, la start-up a élargi son offre pour proposer des prix plus attractifs : aux œufs bio, vendus un euro l’unité (soit le double du prix des œufs bio “classiques”) s’ajoute désormais une offre plein air à 3,99 € la boîte de 6. Cela reste plus cher que les tarifs habituels, pourtant les consommateurs sont au rendez-vous. Un achat militant qui s’inscrit à la croisée de deux tendances selon Fabien Sauleman : “Il y a une prise de conscience du public sur la question du bien-être animal, et des consommateurs qui veulent être consomm’acteurs” analyse-t-il. Ces derniers prennent progressivement conscience qu’ils peuvent faire bouger les choses.

Une prise de conscience des consommateurs

Les récents virages des géants de l’alimentaire témoignent de cette prise de conscience. Les consommateurs sont en effet de plus en plus sensibles aux conditions d’élevage et à la question de la maltraitance animale. Il faut dire que la situation des poules pondeuses est peu enviable : avec 14,7 milliards d’œufs en 2015, la France se classe au premier rang de la production européenne. Alors qu’un Français consomme en moyenne 222 œufs par an, 68 % des 47 millions de poules de l’Hexagone sont élevées en cage, 25 % dans des bâtiments avec accès en plein air et 7 % au sol sans accès en plein air. A l’échelle européenne, ce sont 56 % des poules qui sont élevées en batterie, et plusieurs pays comme la Belgique, les Pays-Bas ou l’Allemagne ont d’ores et déjà banni ce type d’élevage.

Les unes après les autres, les grandes enseignes de distribution se sont engagées à ne plus s’approvisionner auprès d’élevages de poules en cage à horizon 2025. Des annonces dont se réjouit l’association L214, qui souligne que “c’est la première fois qu’un changement dans des conditions d’élevage se fait grâce au marché et non pas à la législation”. Preuve que les consommateurs ont le pouvoir de faire changer les choses !

Poulehouse souhaite aller plus loin en créant un nouveau label. Les œufs européens sont aujourd’hui étiquetés selon le mode d’élevage avec des chiffres allant de 0 (bio) à 3 (élevage en batterie), les chiffres 1 et 2 désignant respectivement des poules élevées en plein air et au sol. L’entreprise réclame l’introduction d’une catégorie 0+ qui désignerait les œufs produits sans souffrance, car comme on l’a vu, même les poules issues d’élevage bio n’échappent pas au couperet une fois qu’elles ont atteint les 18 mois.

L’œuf qui ne tue pas la poule
Poulehouse, l’œuf qui ne tue pas la poule ©Poulehouse

Pour une meilleure traçabilité des produits transformés

Le combat ne s’arrête pas là : Poulehouse lance désormais le débat sur la traçabilité des produits transformés. Car, au-delà des œufs en coquille, c’est toute l’industrie qui est concernée : les produits transformés représentent en effet près de la moitié du marché de l’œuf, et ils ne bénéficient pas de la même transparence que les œufs vendus en boîte. Rien n’oblige en effet les industriels à indiquer la provenance de leurs œufs sur votre emballage de pâtes ou votre paquet de gâteaux. Aujourd’hui, 73 % des produits transformés utilisent des œufs de poules élevées en cage !

Si des entreprises de la restauration collective et des industriels tels que Lesieur, Amora, Lu, Barilla ou encore Saint-Michel se sont engagés à leur tour à ne plus recourir aux œufs de poules élevées en batterie pour leurs préparations, il reste encore beaucoup à faire ! En novembre 2019, Poulehouse a lancé un fondant au chocolat en partenariat avec Franprix pour alerter sur ces questions. La start-up n’ambitionnant pas de développer une gamme de produits transformés, elle en appelle désormais aux industriels et aux restaurateurs pour qu’ils s’engagent à ses côtés. L’objectif est double : si les poules continuent à produire au-delà de 18 mois, leurs œufs tendent à être plus gros – et donc hors calibre, ce qui empêche leur commercialisation via des circuits classiques – et leur coquille plus fragile, sans toutefois que la qualité nutritionnelle soit affectée. L’industrie et la restauration offrent donc des débouchés intéressants.

Le sexage des œufs, une alternative au broyage des poussins

Vous avez sûrement déjà vu passer des vidéos de milliers de poussins broyés vivants. La production d’œufs soulève en effet un autre problème, et il est de taille : que faire des poussins mâles, qui ne sont d’aucune utilité pour les producteurs d’œufs (comprendre qui n’ont aucune valeur marchande) puisqu’ils ne pondent pas ? Chaque année, 50 millions d’entre eux sont broyés vivants ou gazés à la naissance.

Première entreprise à mettre en place une production d’œufs éthique en n’envoyant pas les poules à l’abattoir, Poulehouse est aussi la première à expérimenter le sexage in ovo. Ce procédé, développé par l’entreprise allemande Seleggt, consiste à percer un petit trou dans la coquille afin de détecter dans le liquide embryonnaire la présence d’hormones permettant de déterminer le sexe des poussins. Seuls les poussins femelles sont couvés, évitant ainsi aux mâles une mort aussi inutile que cruelle. Une manipulation qui ne modifie en rien le bon développement des embryons. Après avoir accueilli un millier de ces poussins sur son site limousin en avril 2019, Poulehouse veut désormais imposer à ses éleveurs partenaires qu’ils ne se fournissent qu’en poussins femelles.

Dix instituts à travers le monde chercheraient à mettre au point une technique similaire, mais Seleggt est à ce jour la seule à y être parvenue. En 2018, Stéphane Travert, alors ministre de l’Agriculture, avait annoncé une subvention de 4,3 millions d’euros en faveur de l’entreprise française Tronico pour le développement d’une technique a priori moins invasive, mais les résultats se font attendre. Le sujet est revenu sur la table ces derniers mois, et si l’on en croit les déclarations de son successeur Didier Guillaume, cette pratique devrait être prochainement interdite. Raison de plus pour accélérer la recherche.

Précurseur d’un nouveau mode de production responsable, Poulehouse séduit des consommateurs soucieux du bien-être animal et désireux de remettre davantage d’éthique dans leur alimentation. La start-up, qui a vendu 2 millions d’œufs en 2019, est désormais présente dans plus de 1 200 magasins en France et en Belgique, et elle vient de lever 3,5 millions d’euros pour accélérer son développement. Un joli succès qui prouve que des alternatives sont possibles.



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