Depuis le mois d’octobre 2019, un tiers-lieu a ouvert ses portes à Viroflay, près de Versailles. Outre un espace de restauration, il propose de nombreux événements et ateliers. Un terrain de jeu pour créer du lien, expérimenter les usages de demain et redynamiser le territoire.
Il est 13h05 ce vendredi et la cantine de Gaïa est pleine. L’œil est attiré par les ingrédients colorés du bar à salade. Fixée au mur, une grande ardoise déroule le menu du jour : Soupe maison aux légumes frais. Œuf bio à la coque. Trop tard pour la quiche chèvre-épinards, la dernière part vient de trouver preneur. Des oiseaux exotiques s’égaient sur les murs. Dans les étagères en bois, des bijoux de créateurs côtoient une crèche de santons et des livres rangés par couleur.
Installés sur les banquettes, quatre collègues échangent vivement. A côté d’eux, un couple plus âgé partage un repas. Il y a une heure, ils ne se connaissaient pas. Assise sur un tabouret de bar, une jeune femme, les yeux clos, semble en pleine méditation. Elle rouvre les yeux, apporte son plateau et annonce au gérant qu’elle reviendra le lendemain pour une séance de relaxation, puis avec son fils pour l’atelier de lecture pour enfants.
Des éclats de voix parviennent de la mezzanine, bientôt couverts par le vrombissement de la machine à café. Ce soir, ces mêmes tables qui accueillent les convives seront poussées contre les murs pour laisser place à des tapis de yoga, à moins qu’elles ne soient regroupées au centre de la pièce pour une séance de conversation anglaise.
Le déjeuner est terminé. La cantine se vide peu à peu et le silence revient. Une professeure pousse la porte, commande un thé et s’installe pour corriger des copies. C’est la première fois qu’elle vient. Quelques minutes plus tard une femme entre, chargée d’un gros sac. Elle en sort des statuettes africaines en métal et des bijoux de sa création qu’elle place sur une étagère mise à sa disposition pendant un mois.

Cantine de Gaïa : La force du collectif
Tel est le quotidien de la cantine de Gaïa, qui a ouvert ses portes en octobre dernier à Viroflay, non loin de Versailles. Le projet est né de la volonté de Matthieu Buet, un jeune entrepreneur « slasheur » (qui exerce plusieurs activités), de redynamiser le quartier du village en y implantant un tiers-lieu. Traduit de l’anglais, le terme désigne un « troisième lieu » entre le domicile et le travail.
C’est en passant devant l’ancien salon de tatouage voisin de l’épicerie de Gaïa, où il travaille à temps partiel, qu’a germé l’idée d’ouvrir un lieu qui permettrait de créer du lien autour des thématiques du bien-être, du bio et de l’écologie. Un endroit qui permettrait non seulement de se restaurer, mais qui accueillerait aussi des ateliers et proposerait un espace de coworking. Ni une ni deux, Matthieu a saisi sa chance et s’est associé avec Antoine, gérant de l’épicerie de Gaïa, pour reprendre le bail. Alors qu’il a récupéré les clés en août, la cantine de Gaïa a ouvert ses portes en octobre. « Ce projet, c’est une histoire de signes » confie le jeune homme, qui se réjouit autant qu’il s’étonne que tout soit allé aussi vite.
Dès le départ, Matthieu souhaite faire de cet espace le lieu des Viroflaysiens en associant les habitants dans une logique de co-construction. Il convie tous ceux qui le souhaitent à venir échanger autour de leurs envies. Une belle dynamique s’installe. Des groupes de travail sont constitués en fonction des intérêts de chacun. Une association, Co-village, voit le jour. Ses membres actifs, réunis en collège, jouent un rôle central dans le projet. Juriste, informaticien, coach, chargée de communication… les expertises sont multiples. Sabine Pontecaille explique : « L’association Co-village a été fondée pour créer du lien entre personnes de tous âges et de tous horizons, promouvoir la découverte et l’apprentissage, redynamiser le quartier de Viroflay Rive Gauche, et partager des expériences humaines. Elle soutient les valeurs de partage, confiance, création collective, curiosité et respect. Elle expérimente la gouvernance partagée. »
Ici le collectif est roi. Une idée que traduit le nom du lieu : la cantine est un espace convivial dont les mots d’ordre sont simplicité et sincérité. Gaïa évoque quant à elle la terre nourricière et le goût des aliments sains, bio et locaux.

Des tiers-lieux pour inventer le modèle de demain
Matthieu et les membres de Co-village travaillent main dans la main pour assurer le fonctionnement du tiers-lieu. En dehors des horaires d’ouverture de l’espace de restauration, ce sont les bénévoles qui accueillent les visiteurs et leur proposent des ateliers. Plusieurs associations ont rejoint le projet. C’est notamment le cas de Pause Bouquins, installée à deux pas, qui organise des ateliers de lecture et d’écriture et anime un cercle de lecteurs une fois par mois.
Ce nouvel espace constitue également un tremplin pour des personnes désireuses de se reconvertir ou de lancer une activité annexe en leur offrant la possibilité de se tester et de rencontrer leur public. Une salariée bientôt à la retraite propose régulièrement des ateliers de sophrologie. Un éducateur fait partager son expérience de la méditation.
En moyenne, la cantine de Gaïa a accueilli quatre événements par semaine depuis son ouverture. Massage balinais, atelier Noël zéro déchet, méthode Feldenkrais (approche corporelle qui utilise le mouvement afin d’améliorer le bien-être), afterwork… Véritable couteau-suisse, le lieu peut également être privatisé pour des entreprises.
Et pour la suite ? Ne parlez pas à Matthieu de business plan. Ce qui fait la force de la cantine de Gaïa, c’est avant tout cette capacité à accueillir tout ce qui se présente. Le projet se construit des rencontres et des idées, il est façonné au quotidien par tous ceux qui souhaitent s’y impliquer et se nourrit de l’énergie de chacun. Diplômé en intelligence collective, Matthieu envisage le lieu comme un terrain de jeu, un laboratoire. Il y voit une formidable opportunité d’inventer le modèle de demain en expérimentant ce qui est parfois difficile à mettre en place en entreprise. Nul ne sait de quoi l’avenir sera fait. C’est cela qui rend le projet unique et excitant. Une infinité d’opportunités. Un immense champ des possibles.
Edit : Afin de mettre en valeur les savoir-faire locaux, la Cantine de Gaïa se nomme désormais Cantine des créatrices !